Cet article explore la dialectique entre sport et pouvoir à la lumière du rugby sud-africain, son rôle complexe et ambivalent dans l’édification d’une nation plurielle mais néanmoins démocratique et cosmopolite. Les Springboks, l’équipe nationale, argue-t-on, constituent un laboratoire social dans l’architecture symbolique des sociétés multiculturelles. On met ici en évidence le rôle salutaire de Mandela dans la réconciliation nationale grâce au rugby, en réconciliant, fût-ce transitoirement et imparfaitement, noirs et blancs d’abord, Afrikaners et Britanniques ensuite. La communion nationale a été, conclue-t-on, de courte durée tant le sport reste un sport clivant racialement. Quoi qu’il en soit lors de l’épisode du match contre les All Blacks, le patriarche sud-africain a fait preuve d’un machiavélisme génial pour contrarier l’essai du nouvel ordre
mondial de faire chuter la tour de Babel sud-africaine et édifier, dans une optique ethno-différentialiste, les sous-bassements d’une nation arc-en-ciel pacifiée grâce à cette religion civile consacrée dans une civilisation du spectacle.
Mots clés: Mandela, Springboks, rugby, nouvel ordre mondial.